Ces fortes précipitations ont entraîné d’importantes inondations (fort ruissellement, crues soudaines et brutales) dans des régions désertiques ou semi-arides, notamment à Chulucanas (province de Piura), Chiclayo (province de Lambayeque), Trujillo (province de La Libertad), y compris plus au sud dans les provinces de Lima (la capitale) et d’Ica. De telles conditions météorologiques sont généralement observées lors d’un intense épisode El Niño, ce qui n’est officiellement pas le cas à l’heure actuelle. Cependant, l’intensité des précipitations de ces derniers jours excède celle enregistrée lors du dernier épisode El Niño 2015-2016 qui s’est officiellement achevé en juin dernier. Si l’on observe attentivement les anomalies thermiques des eaux de surface dans le Pacifique oriental, on remarque que les eaux sont anormalement chaudes au large des côtes péruviennes surtout depuis la mi-janvier : en d’autres termes, on assiste à un retour des conditions El Niño dans les zones 1 et 2 (et de manière plus marquée que lors du dernier pic d’intensité il y a un an), susceptibles de s’étendre dans les prochaines semaines ou prochains mois aux zones 3 et 4 situées plus à l’ouest dans le Pacifique.
Anomalies thermiques des eaux de surface océaniques le 3 février 2017. |
Le décalage vers le sud du contre-courant équatorial (chaud) s’opère conjointement avec le glissement vers le sud de l’équateur météorologique. Les fortes précipitations dans le nord-ouest du Pérou sont la conséquence d’un décalage vers le sud plus marqué que la normale de l’équateur météorologique. Le décalage de cette structure pluviogène est favorisé par le renforcement de l’alizé franchissant l’isthme américain et une position plus méridionale que la normale de l’anticyclone dit "de Pâques" (responsable notamment de la sécheresse persistante et des températures anormalement élevées observées dans le centre du Chili ces dernières semaines).
Quand on sait qu’entre 4°N (Buenaventura, Colombie) et 4°S (Chiclayo, Pérou) les hauteurs moyennes annuelles de pluie diminuent de l’ordre de 750 mm par degré de latitude, on comprend pourquoi un très faible déplacement de l’équateur météorologique vers le sud peut avoir des conséquences catastrophiques en termes de pluviosité dans des régions habituellement très peu arrosées ! La situation actuelle est donc à surveiller : les cumuls de pluie pourraient encore s’aggraver si les conditions météorologiques persistent au cours des prochaines semaines. Rappelons qu’au cours du plus puissant épisode El Niño de 1997-1998, il était tombé jusqu’à 1095,2 mm en 2 mois à Chulucanas (province de Piura) en février-mars 1998, jusqu’à 192,6 mm en 1 jour à Los Cedros (province de Tumbes) le 09/02/1998 [185,6 mm le 14/02/1998] et 182,8 mm le 14/02/1998 à Ferreñafe (province de Lambayeque) alors que la normale mensuelle n’est que de 2,3 mm !
Notons enfin que les températures sont anormalement élevées au Pérou depuis plusieurs semaines (39,1°C le 2 février à Chulucanas [province de Piura], 39,6°C les 23 et 27 janvier à Quillabamba [province de Cusco]), en particulier les températures minimales : à titre d’exemple, la température n’est pas descendue en dessous de 25,1°C le 28 janvier et 25,3°C le 29 à Lima-Callao, ce qui constitue un record absolu à la station (précédent record : 25,0°C en 1998).