CLIMATOLOGIE

jeudi 31 mai 2018

Un mois de mai et un printemps 2018 exceptionnellement chaud en Europe

Le début du mois de mai 2018 a marqué la fin officielle de l’épisode El Niña (qui avait débuté en août 2017) et l’entrée progressive dans une phase neutre dont la durée reste encore incertaine à ce jour.
D’après les données publiées par le Copernicus Climate Change Service, mai 2018 se classe au 3e rang des mois de mai les plus chauds à l’échelle mondiale depuis le début des relevés météorologiques avec un excédent thermique de +0,40°C par rapport aux normales 1981-2010, derrière mai 2016 (+0,59°C) et mai 2017 (+0,56°C).
Les plus fortes anomalies thermiques ont été observées dans le centre de l’Antarctique, aux États-Unis (mois de mai le plus chaud à l’échelle nationale depuis 1895) et en Europe en particulier, tandis que des températures plus froides que la normale ont été enregistrées dans le nord et l’est du Canada, dans le nord-ouest de l’Afrique, en Sibérie occidentale et au Groenland où la station Summit (située à 3202 m d’altitude au centre de l’inlandsis groenlandais) a enregistré un record mensuel de froid le 9 mai avec -46,9°C [une température minimale légèrement inférieure à -49°C relevée le même jour à la base américaine GEO-Summit, soit tout près du record mensuel de froid pour le Groenland et l’hémisphère nord (-49,8°C à GISP2)].

Carte des anomalies de température en surface dans le monde en mai 2018
© Météo France (carte extraite de sa synthèse climatique mensuelle)

Avec une anomalie de +2,5°C (selon Copernicus ECMWF), ce mois de mai 2018 est le plus chaud en Europe depuis le début des relevés, devant mai 2003 (+1,6°C/normale). Il survient tout juste après un mois d’avril 2018 déjà exceptionnellement chaud (le plus chaud en moyenne sur l’Europe) et revêt même un caractère historique dans certains pays d’Europe centrale et en Europe du Nord où l’anomalie thermique atteint +4,2°C en Norvège à l’échelle nationale, soit 1,5°C au-dessus du précédent record enregistré en mai 2013 !

Cartes des anomalies de température, de pluviométrie et d’ensoleillement en Europe en mai 2018

Le contexte aérologique explique parfaitement cette chaleur inhabituelle, tout au moins en grande partie. La persistance de hautes pressions au-dessus de la Scandinavie ou de la Finlande une grande partie du mois a eu pour effet le blocage du courant atlantique d’ouest, la déviation du flux perturbé et le rejet du jet polaire très au nord, tandis que des gouttes froides ont surtout affecté la péninsule Ibérique et l’ouest du Bassin méditerranéen.
Ainsi, la péninsule Ibérique et le Maroc ont connu un mois de mai frais et plutôt humide. Plus au nord, l’Islande a connu un passage incessant de perturbations : il a plu tous les jours du mois à Reykjavik, ce qui n’est arrivé que 4 fois dans la capitale islandaise tous mois confondus (la dernière fois en février 2012) ; il est tombé jusqu’à 495,7 mm à Nesjavellir au cours du mois, soit le 4e plus important cumul pluviométrique enregistré en mai dans le pays. Avec un cumul mensuel de 128,8 mm (soit 3 fois la moyenne mensuelle), Reykjavik enregistre un record de pluviométrie pour un mois de mai depuis 1920 (précédent record : 126,0 mm en mai 1989), tandis que la station de Stykkishólmur établit un nouveau record mensuel (avec 113,2 mm) depuis le début des mesures en 1875 (précédent record : 96,9 mm en mai 1934) !
En revanche, la Scandinavie et la Finlande ont vécu un mois de mai historiquement chaud et ensoleillé, en raison de la persistance de pressions élevées une grande partie du mois. La moyenne mensuelle des pressions est même la plus élevée pour un mois de mai dans le Götaland et le Svealand (les deux régions historiques du sud de la Suède) depuis mai 1947 : à Visby (Götaland) par exemple, la pression moyenne mensuelle s’élève à 1021,5 hPa, soit la 3e plus forte valeur en mai depuis le début des mesures à la station en 1890, derrière mai 1947 (1022,4 hPa) et mai 1919 (1022,1 hPa). Conséquence de ces hautes pressions persistantes, la station de Visby affiche un déficit pluviométrique record pour un mois de mai : il est tombé seulement 1,7 mm de pluie, soit le plus faible cumul en mai depuis le début des mesures en 1859 (précédent record : 2,8 mm en mai 1866) !



Bilan climatique mensuel par pays
et records de chaleur en Europe (liste non exhaustive)

Mois de mai le plus chaud aux États-Unis depuis 1895

Après un mois d’avril 2018 particulièrement froid (le 13e plus froid à l’échelle des 48 États américains contigus), les États-Unis viennent de connaître le mois de mai le plus chaud depuis plus de 120 ans. Avec une température moyenne mensuelle nationale de 18,56°C (soit +2,89°C par rapport à la normale), ce mois de mai 2018 surpasse le précédent record remontant à mai 1934 (18,17°C). 42 États américains ont enregistré des températures moyennes mensuelles bien supérieures à la normale ; 8 d’entre eux ont enregistré leur mois de mai le plus chaud depuis 1895 : Arkansas, Illinois, Indiana, Kentucky, Missouri, Ohio, Oklahoma et Virginie.



En dépit d’un mois de mai historiquement chaud, l’activité tornadique est restée anormalement faible. Un simple constat qui vient une nouvelle fois tordre le coup aux idées reçues…
Selon un bilan encore provisoire, seulement 96 tornades ont été recensées sur le territoire américain, alors que le mois de mai est en moyenne le plus prolifique (276 tornades en moyenne depuis 1950), le pic d’activité étant généralement atteint entre la mi-mai et la mi-juin. Il faut remonter à mai 1970 pour trouver un total mensuel inférieur, avec 88 tornades. En ce début de mois de juin 2018, on recense seulement 382 tornades depuis le début de l’année : on flirte désormais avec les records de faible activité tornadique.