Des périodes de plus d’une trentaine de jours au moins aussi sèches que celle que nous vivons depuis la mi-mars ont déjà été enregistrées par le passé en France au printemps, notamment en 2007 (avril), 1997 (mi-mars à mi-avril) et 1961 (mars à début avril). Si le déficit pluviométrique était plus marqué dans le nord-est du pays en avril 2007, il concernait surtout le sud en 1997 et un grand tiers sud en 1961. Cette année, la sécheresse printanière touche une plus grande partie du pays et plus particulièrement les régions situées sur la façade est du territoire.
Après des précipitations particulièrement abondantes sur la France d’octobre 2019 à la mi-mars 2020, qui ont permis une recharge quasi optimale des nappes souterraines, les sols superficiels qui étaient saturés ou proches de la saturation sur la majeure partie du pays fin février se sont fortement asséchés depuis la mi-mars.
Dans les Vosges par exemple, l’indice d’humidité des sols atteint les valeurs les plus basses pour la période et se situe même au niveau de la médiane de la période de plein été, tandis que dans les Pyrénées-Orientales la situation est inverse (suite au récent épisode méditerranéen) avec un indice tout proche du record absolu établi en mai 1977.
En cette fin avril 2020, le déficit pluviométrique est particulièrement marqué sur la façade est de la France, comme à Saint-Dizier (Haute-Marne) qui a d’ores et déjà enregistré sa plus longue série de jours secs, tous mois confondus, depuis le début des mesures en 1953, avec 41 jours sans pluie mesurable du 14 mars au 23 avril 2020, devant avril 2007 (28 jours), l’été 1976 (33 jours) et l’ancien record de 35 jours du 22 août au 25 septembre 1959.
Même constat à Grenoble/Le Versoud (Isère) où il n’a pas plu une goutte depuis 42 jours (du 13 mars au 23 avril 2020), égalant d’ores et déjà le record absolu enregistré du 26 novembre 2016 au 6 janvier 2017 (42 jours) et surpassant les 37 jours sans pluie du 19 octobre au 24 novembre 1978.
À Genève (Suisse), il n’a également pas plu depuis 42 jours du 13 mars au 23 avril 2020. Une période sans précipitations aussi longue n’a jamais été observée depuis le début des mesures en 1864 ! Le précédent record remontait à l’hiver 1896 où il n’avait pas plu du 17 janvier au 26 février (41 jours).
Pour info, la plus longue série sans pluie au nord des Alpes suisses est de 52 jours à Neuchâtel du 19 mars au 9 mai 1893. Sur le versant sud des Alpes suisses, les plus longues périodes sans pluie ont duré de 60 à près de 80 jours. La dernière en date a été enregistrée de décembre 1988 à février 1989 : Locarno avait enregistré 63 jours consécutifs sans pluie (< 0,1 mm) du 21 décembre 1988 au 21 février 1989, tandis que Lugano avait comptabilisé 76 jours sans aucune goutte de pluie du 7 décembre 1988 au 20 février 1989 (81 jours avec moins de 1 mm du 3 décembre 1988 au 21 février 1989) !
Aucun front pluvieux (ou de situation instable propice à des averses généralisées) n’étant prévu avant le 26 avril (au moins), les séries en cours vont donc se poursuivre durant les prochains jours et aggraver dans les régions concernées la sécheresse des sols.
En Suisse, la moyenne nationale des précipitations du 1er mars au 21 avril 2020 ne représente que 40 % environ de la normale pluviométrique (1981-2010) du bimestre mars-avril. Une moyenne pluviométrique inférieure à 50 % de la normale en mars-avril n’a été enregistrée qu’une dizaine de fois en Suisse depuis le début des mesures en 1864. La dernière en date remonte à mars-avril 2011 avec une moyenne des précipitations qui atteignait seulement 36 % de la normale. Il faut ensuite remonter à mars-avril 1955 pour trouver un déficit comparable à celui de cette année.
Anomalies pluviométriques en Suisse sur la période mars-avril de 1864 à 2020 (au 21 avril 2020) Source : MétéoSuisse |
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* Sur la carte (située en haut à droite) des anomalies de la pression (réduite au niveau de la mer) en Europe entre le 15 mars et le 23 avril, on constate que les pressions sont restées anormalement élevées de l’Angleterre à la Pologne et sur toute l’Europe de l’Ouest d’une manière générale. Cette vaste cellule anticyclonique centrée en mer du Nord a dirigé le plus souvent des vents de secteur sud sur la France et dans le couloir rhodanien en particulier, l’air froid en provenance des hautes latitudes (flux de nord) s’écoulant le plus souvent sur l’Europe centrale et plus à l’ouest sur l’Atlantique. Les données de vent (à 10 m au-dessus du sol) à Istres, Marseille-Marignane, Salon-de-Provence et Aix-en-Provence entre le 15 mars et le 25 avril 2020 sont sans équivoque : le vent a très peu soufflé et le plus souvent de secteur sud.
On considère généralement que le mistral souffle lorsque le vent atteint une vitesse maximale instantanée de 16 m/s (57,6 km/h) et qu’il est de composante nord (NW à NE). D’après les normales pour ces 4 stations, le bimestre mars‑avril est la période de l’année au cours de laquelle les jours avec mistral sont les plus fréquents (10 à 12 jours en mars, 10 à 12 jours en avril). Entre le 15 mars et le 25 avril 2020, on comptabilise seulement 1 jour avec mistral à Istres et à Salon-de-Provence (le 29 mars, avec une vitesse maxi instantanée quotidienne de 20,9 m/s [75,2 km/h] à Salon-de-Provence), aucun dans les 3 autres stations. La vitesse moyenne quotidienne du vent dans les 4 stations n’a jamais dépassé 6,5 m/s (23,4 km/h) après le 15 mars, le pic ayant été atteint au cours de la première quinzaine de mars avec seulement 12,7 m/s (45,7 km/h) le 7 mars à Istres (flux de nord). Les vents de secteur sud ont été les plus fréquents. Toutes vitesses confondues, on comptabilise entre le 15 mars et le 25 avril 2020 seulement 7 jours avec un vent de composante nord à Istres (1 NW / 4 N / 2 NE), 5 jours à Marseille-Marignane (4 NW / 1 NE), 4 jours à Aix‑en‑Provence (1 NW / 3 N) et seulement 1 jour avec un vent de secteur NE à Aix-en-Provence.
[Source des données : Météo France]
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